Voici
mon premier article paru dans la revue
Rêve de femmes.
L’eau, la terre, la végétation demandent à être soignés, les créatures
aussi, l’humain y compris. Comment se fait-il que celui-ci détruise
autant autour de lui? Et si on commençait à prendre soin de lui tout
petit, ne serait-il pas amené à reproduire ces gestes bénéfiques?
Un hêtre est tombé ce matin, lui qui avait vu tant de vies passer. J’ai
contemplé son tronc rompu, des larmes ont ruisselé sur mes joues et une
longue méditation est venue m’habiter. En voici les fruits :
Des forêts sont dévastées par l’homme, des sources d’eau potable sont
souillées, des espèces animales entières sont anéanties voire massacrées
par ce même homme, des conflits et des guerres absurdes rendent la vie
d’humains horribles. Deux possibilités s’offrent à moi qui me sent
innocente de toute cela : soit je pense que c’est une fatalité (et je
déprime ou je m’enferme dans des illusions), soit je m’attelle à faire
ma part et je me réjouis de chaque goutte de bonté et de beauté que mes
mains avec celles de mes sœurs et frères accomplissons.
Le mot « écologie » vient du grec oikos qui signifie « maison » et logos, « la science », « la connaissance ».
Ma maison, c’est déjà mon corps. Reconnaître son besoin de dormir ou de
manger sainement est essentiel, et cela dès le plus jeune âge. Bien des
maladies prennent leur origine dans le manque de sommeil ou une
nourriture manquant de fruits et légumes frais ayant poussé
naturellement. Il est si important de savoir repérer plusieurs fois par
jour, si j’ai mal quelque-part. Ai-je besoin de plus de lumière? Une
balade me ferait tant de bien... Ai-je besoin de détendre et fortifier
mon corps? Nager une heure cette semaine devient impératif… Mais mon
corps n’est pas seul à demander à être écouté.
Mon âme a tellement soif de reconnaître le caractère sacré de toute
trace de vie. Merci pour l’eau, sacrée, qui constitue 75% de mon corps!
Merci pour le chant des oiseaux, que j’ai tant envie d’imiter! Merci
pour les regards purs que je viens de croiser! La louange désaltère mon
cœur de sa source joyeuse.
Qu’en est-il des liens entre les habitants de la maison? Ils prennent
forme dans l’accueil qu’on leur a offert dès leur naissance. Oh combien
j’aimerais que toute femme, quelle que soit sa situation, caresse son
ventre qui s’arrondit, soigne ses pensées, se protège des influences qui
pourraient être nuisibles, cultive la douceur et la tendresse! Oh
combien je souhaiterais que chacune puisse naturellement donner vie dans
la confiance, l’intimité, le bonheur! Oh combien je rêverais que toutes
puissent savoir que leur lait d’amour est un liquide précieux et
irremplaçable et que leur bébé n’a pas la capacité de concevoir de
caprice, mais est un être tout dépendant d’elle! « Je suis là pour toi
mon bébé chéri, je suis si heureuse que tu existes, je suis si heureuse
de t’accompagner et de te raconter la vie. » Que je désirerais que
chacune murmure cela au creux de l’oreille de son tout-petit! Chaque
bébé a le droit d’être porté, « d’avoir les bras », d’être câliné,
cajolé inconditionnellement, d’avoir des temps où l’on rit avec lui, où
l’on danse et joue avec lui, où l’on chante pour lui, sans lui prêter
des intentions malignes ou manipulatrices qu’il n’a pas. Accompagné
ainsi, le petit est dans la confiance, la sérénité et la joie. Il n’a
pas besoin d’ « obéir », il n’a pas à être « dressé », ou à chercher à «
être sage » : il suit l’adulte, il sait que celui-ci ne lui veut que du
bien. L’amour attire. Les moqueries, les désirs de domination écrasent
et font fuir l’enfant. L’écologie des relations entre adultes prend ses
racines dans cette vie affective. J’ai la mémoire des bras et du cœur
de celui ou celle qui s’est occupé de moi enfant.
Tant que je n’ai pas
senti, dans mon corps, dans le regard, dans la douceur de la voix d’une
personne que l’amour est un puits intarissable, hélas j’errerai et
parfois même, prendrai les chemins des destructions.
Ma relation à l’environnement en est donc fortement influencée. Si je me
sens accueillie dans cette vie, quel besoin ai-je de vouloir exploiter?
J’ai déjà ma place. Je ne suis pas poussée à jalouser, encore moins à
tuer. J’observe la vie autour de moi : celles des personnes qui vivent
autour de moi, mais aussi des animaux, la beauté des couleurs, des
lumières, des mouvements de la nature. J’en apprends que chaque chose a
sa place, comme moi j’ai la mienne. J’apprends aussi que chaque chose et
chaque être est unique, avec sa propre histoire et ses particularités.
Mais que faire si je crois que la fatalité m’englue forcément dans des
souffrances dont je ne suis même pas responsable? Ou si même je n’ai pas
conscience que ma vie passe tandis que je vois les images de mon écran
défiler?
Il est temps de l’éteindre et de comprendre que chaque seconde peut être
vibrante de vitalité, y compris quand ce sont des secondes de bon repos
dont j’ai tant besoin. Il est tant de soigner mes plaies pour ne pas
les faire suinter sur les autres, notamment mes enfants ou sur mon chat,
mon chien, ou mes collègues ou mon homme ou ma femme. Il est tant de
leur offrir bienveillance et pensées positives, qui cherchent à
comprendre, à compatir, à voir et à mettre en valeur leur beauté. Si mon
regard s’arrête sur ce qui ne va pas, que ce soit pour en comprendre la
source et comment trouver une solution : trouver le geste tendre, la
parole apaisante, le regard de gentillesse ou le silence de vérité.
Ce jour-là, quand je rêve d’un monde meilleur, j’imagine que chaque être
humain prenne conscience de prendre soin de la vie, de l’infiniment
petit à l’infiniment grand et de ne pas oublier, de planter, de temps à
autre, quelques faînes, aux détours des promenades, en respirant à
pleins poumons et en se sentant libre de lever la tête vers les branches
magnifiques, ouvertes comme des bras généreux et bons qui bercent le
vent.